“Dans un monde où la frontière entre le réel et le virtuel s’efface à mesure que les technologies progressent, Christian Mamoun, artiste basé à Casablanca, propose une réflexion visuelle fascinante et audacieuse. Sa nouvelle série, Casa mon amour, mélange des photographies numériques et des images générées par intelligence artificielle, imprimées grâce à une technique ancienne revisitée : le cyanotype, enrichi de café et de son marc. Ce projet artistique unique invite à questionner la nature de l’image, son origine et sa capacité à représenter une réalité. Entre passé et futur : une technique revisitée Le cyanotype, procédé inventé il y a plus de 150 ans pour reproduire des documents juridiques, devient sous les mains de Mamoun un moyen de parler du futur. Les tirages, réalisés manuellement avec la lumière du soleil ou une source UV artificielle, sont teints au café, dont les traces laissent une texture singulière, presque prophétique. « Le marc de café évoque des croyances ancestrales en sa capacité de prédire l’avenir. Ici, il ajoute un sens métaphorique aux images, les transformant en supports d’interrogation sur ce qui est vrai ou imaginé », explique l’artiste. Photographie et intelligence artificielle : un dialogue visuel Dans cette série, Mamoun superpose deux négatifs : l’un issu de la photographie classique ou numérique, l’autre généré par une intelligence artificielle. Cette combinaison crée une nouvelle image où se confondent mémoire et projection, rêve et réalité. Les portraits ainsi produits semblent parfois s’effacer, comme des souvenirs flous, ou des rêves fugaces. « Ces images pourraient être des souvenirs de moments passés, ou des fantasmes de ce qui aurait pu avoir lieu. La provenance des images – humaine ou algorithmique – importe moins que l’émotion qu’elles véhiculent », ajoute Mamoun. Une métaphore du présent Mamoun ne se contente pas d’explorer la technique. À travers Casa mon amour, il soulève des questions fondamentales sur la place des technologies dans nos vies et leur impact sur nos interactions sociales. « Sommes-nous en train de vivre dans un monde vidé de liens humains, guidé par des algorithmes ? Ou ces images, à la fois fragiles et puissantes, nous rappellent-elles l’importance de nos relations ? », s’interroge-t-il. Pour lui, la technologie, qu’elle soit photographique ou algorithmique, n’est ni un ennemi ni un sauveur, mais un outil qui s’intègre progressivement à notre quotidien. « Comme d’autres techniques dans le passé, elle tisse des liens avec nos pratiques actuelles. Mon travail cherche à donner un langage visuel à cette coexistence. » Une œuvre qui invite à la réflexion Au-delà de l’esthétique, Casa mon amour confronte le spectateur à ses propres perceptions. Qu’est-ce qui est réel ou fabriqué ? Une image peut-elle prouver l’existence d’une réalité ou n’est-elle qu’une projection ? Ces questions, au cœur de la série, résonnent particulièrement à une époque où la manipulation visuelle est omniprésente. En combinant des techniques du passé et des outils modernes, Christian Mamoun brouille les repères et ouvre un dialogue entre mémoire, rêve et anticipation. Son œuvre, ancrée dans une démarche poétique et critique, invite chacun à interroger sa relation à l’image et au monde qui l’entoure.”